Monologue au Comédien

Je vois ma vie en grand format.
La pellicule se déroule et me projette ma vie
Sur un écran géant cannois
Devant mes amis et les amis de mes amis.
Qui m’aime vraiment ?
Qui pense que je joue bien ?
Qui juge que je n’aurai pas du dire ça, qui songe à comment
J’aurai pu le dire autrement, est-ce que je suis bien ?
Je regarde d’un œil la toile
Moi qui m’étale en grand format,
Je ris sous un immense soleil, je pleure le nez dans les étoiles,
Je marche sous la pluie mais tout ça c’est du cinéma.
Mon amour est dans la salle mon aimant
Mes parents, à moins qu’ils ne soient pas venus
Finalement, ont-ils passé les barrières de qui je suis devenu ?
Mon passé resurgit, je vois le flash back du « comme avant »
Avant qu’il ne m’arrive tout ça
Tout de même, le grand écran cannois
Ce n’est pas rien. Qu’est ce qu’ils pensent de moi ?
De mon film, de mes idées, de mon physique, de ma psyché, de moi?
Et moi, qu’est ce que je pense de moi ?
On va me le demander, me questionner sur qui je suis vraiment;
Moi qui ne le sais même pas.
J’ai envie de sortir du fauteuil et de bondir sur la scène,
De rejouer ce que j’ai raté, de raconter pourquoi je l’ai fait,
Quels sont les chemins qui mènent
A la gloire, à la postérité
Jusqu’à l’état de grâce dans lequel je me sentirai bien
Moi-même et juste un peu quelqu’un
D’autre qui pourrait s’exprimer
Au travers des scénarios que je me suis créés.
Je regarde la salle.
Je regarde les gens me regarder.
Dans le cœur qui s’emballe je vois leurs yeux, rivés
Sur ma vie, sur cette histoire fatale
Que je propulse sur eux, que je leur offre
Comme un trésor, comme une musique off
Qui leur raconterait ce que je pense d’eux.
Ceux qui sont là et ceux qui le verront, ceux
Amis ennemis
Qui, de leur rencontre, ont provoqué ceci:

Muriel Roland Darcourt 

Lettre - Monologue au comédien