Il arrivait toujours enguirlandé de filles, jolies pour la plupart. Il se déclarait peintre. Il en avait l’allure. Les nuits durant, de taverne en taverne, il expliquait sa démarche, son idée de la peinture, il récitait sa révolution, cherchait ses modèles, alimentait par quelques phrases alambiquées sa conception de l’Oeuvre en vomissant ses bières. Il cherchait des modèles, des nues précisément, et il trouvait important qu’elles aient une certaine grâce, pour combler le manque d’allant sans doute, et aussi pour esquisser à travers elles la muse qu’il s’était fabriquée de toute pièce. Pour palier à son manque d’imagination, il la reproduisait sans cesse à travers qui voudrait, qui était là, qui accepterait d’être le trophée qu’il avait rationalisé. Il parlait très bien et on admirait son travail bien que personne n’eu jamais vu l’un de ses tableaux. Il ne vendait pas de toiles puisqu’il n’en peignait pas.
Muriel Roland Darcourt
Fragments - L'Artiste