Un, deux, trois notes s’élèvent dans des airs inconnus, au-delà. Et le son continu entre en moi.
Un frisson.
Bouger la tête pour tenter de reconnaitre, un ton, une mesure, pour être au diapason.
Prendre le rythme en soi, le capturer, l’avaler. Ouvrir les mains pour le souffler.
Inspirer. Souriez, je m’inquiète de ne pas trouver les pas, de ne pas fusionner.
Il faut inventer. Inviter des yeux à acquiescer.
S’angoisser, choisir un regard, fermer les yeux, projeter.
Respirer un moment le cou relevé, puis, la nuque cassée. Se perdre dans des pensées, dans des rythmes, dans un souffle que l’on emmitoufle pour mieux l’exposer, le rappeler à l’ordre, le sermonner. Où est –il si ce n’est quelque part par-là, au milieu de la piste, face au danger. Chercher une grâce utopiste, avoir peur de ne pas la trouver.
Se lancer.
Comme sauter d’un précipice, l’allure séductrice, le cœur serré. Compter. Marcher selon la musique, la petite musique interne qui enlace celle que j’entends. Composer, entre les deux, pour tomber juste. Respirer, le secret.
Clore les paupières pour oublier l’attention recherchée. En alerte jusqu’au laisser-aller, jusqu’au lâché prise, jusqu’à la disparition aux bras de la mélodie qui me conduit. Ne plus faire qu’un avec ce corps que je retrouve, qui répond à mes intentions. Que je redécouvre, en face de la tension, puis de l’abandon. Sourire.
Frémir à chaque pulsion, s’extasier de l’accord parfait quand on le trouve. Regarder à son tour, tout autour, sans quitter le tempo des yeux par les soubresauts qu’ils capturent. Avec désinvolture, faire comme si on ne voyait personne.
Aux tympans la musique raisonne, engloutie par les ondes de choc qui provoquent un chao proche de la cacophonie, et pourtant. Elle emporte au vent les arabesques et les enroulements, empruntant au passage des chemins aériens qui me soulèvent en adage. S’ouvrir davantage, s’ouvrir complètement, s’offrir, se refermer, frapper le sol avec les pieds pour prendre son envol et s’envoler.
Muriel Roland Darcourt
@photos : K.Burckel