Il y a des choses qui ne font pas de bruit en tombant, même quand elles sont très lourdes. Ce silence-là est très pesant et il remplit l’espace dans une cacophonie sourde en résonnant à travers le temps, éclaboussant nos tympans de phrases en suspens, de nos rires que l’on retient, de nos pensées qui errent en vain à la recherche de mots que l’on pourrait dire et qui se taisent, provoquant le malaise et le trouble qui redouble en transhumant vers nos crânes défoncés. La quiétude apparente qui masque le tourment de ces cris fêlés que l’on avale et qui se fracassent dans ce mutisme abyssal. L’aphasie guette à nouveau, nous entraînant dans le tombeau des non-dits. Ici l’attente est trop longue et là ces lèvres cousues qui s’étirent, oblongues, qui ne s’ouvrent pas sur l’explication que l’on espérait, sur l’implication qui ne viendra peut-être jamais. Parle ! Mais parle avant que je ne dise une connerie. Non tais-toi tu vas dire une connerie ! Cet écho de silence insolent nous entraîne sur la route infinie de nos peurs, de nos vastes douleurs que nous ne pourrons pas revivre tant la souvenance de nos plaies est encore vive, et que ces paroles-là, que l’on ne dit pas, nous délivrent du risque de chuter à côté. Dis-moi quand même, même si c’est dur, dis-moi je t’aime comme ultime torture, une infime ouverture, une sublime aventure, avant que je ne puisse plus l’entendre. Je n’en peux plus d’attendre.
Muriel Roland Darcourt
Fragments - Dis-moi