Naissance d’un Homme

 

 

Une nuit, paisible, où la douceur pointe enfin en même temps que l’aurore, la cervelle vive, au sein de laquelle ni colère, ni rancune, ni une once d’amertume ne vient salir la souvenance d’une vie passée, que le présent accepte parce qu’elle est justifiée, elle et lui, l’autre, surgissent de la mémoire.


Une main que l’on prend dans la sienne, pour une vie nouvelle qui s’inscrira, et cette main que l’on laisse dans la sienne comme un pacte scellé pour une vie qui s’écrira, tel un sacre, un serment que jamais l’on n’oubliera, revient à la surface à l’aide de quelques images volées que l’on a englouties, et le mur que l’on a construit se détruit, par fragments, en des milliers de miettes portant chacune une histoire.


De la fascination naît parfois la stupeur, une sorte de coma éveillé qui durera trente années, mais qui nous aidera à affronter les luttes futiles comme les terribles guerres, en laissant une trace si infime et si profonde à la fois, qui nous verra tomber et qui nous guérira, qui ne fera pas taire les cris mais qui les écoutera, n’apaisera pas les doutes mais les effacera. Cette stupeur-là, devant l’autre qui n’est plus, qui est devenue autre, qui recommence sans cesse devant l’incertitude, en face de la similitude, qui l’entretient de ce fait, mais que la séparation n’atteint pas, ne s’estompe pas. S’enferme peut-être un temps mais ne meurt pas.


Quand le bonheur s’installe, ce bonheur tant espéré, tant attendu, tant rêvé, les sentiments honnêtes qui s’emballent d’une étrange sincérité remplie d’amour vrai, l’autre revient grâce au calme, à la quiétude, à la sérénité, comme un souffle qui entre à l’intérieur de soi par une porte qu’on ne pouvait desceller, que l’on pensait fermée à tout jamais, mais qui s’ouvre sur des rires, des moments partagés, des aventures tumultueuses mais toujours belles, des connivences esquissées mais bien réelles, sans propos inutiles et sans fiers combats. Et pourtant des combats il y en eut, des perdus d’avance par faute de soldats vaillants, l’un toutefois persévérant, l’autre n’entendant pas, qui ne se trouvent pas, à cause d’un bouclier surgit de nulle part qui empêche le contact quel qu’il soit mais qui se pulvérise du bout des doigts, quand on se touche, comme une rencontre secrète, salvatrice et parfaite, comme un complot ourdi contre tous les autres, ceux qui ne comprennent pas, ceux qui ne ressentent pas, pour pouvoir vivre ensemble dans un monde parallèle cette réalité que l’on protège, qu’on veut garder pour soi.


Si grand est l’étonnement au vu de cet immense silence, devant le nombre croissant de mots et de séquences que le cerveau libère par bribes pour ne pas submerger, et à l’idée que tout vienne tout bouleverser dans cette vie désormais si heureuse, un voile de pudeur se relève mais s’abaisse un instant, pour signifier que de tout ce qu’on a oublié on n’a rien oublié.


L’existence a aujourd’hui un chemin parcouru dans une entièreté soudaine, appelant la paix et l’espoir de continuer de vivre en se sachant accompagnée, tout près, et tout au loin, par des âmes exceptionnelles qui suscitent la joie, l’admiration, et une fidélité sans failles.


J’aspire à ce que la rage soulevant les entrailles soit enfin morte pour les choses et les idées vaines, mais reste intacte pour les justes, les méritantes, les humaines,  et que la voie devant moi qui s’ouvre sur l’éternité et les voix qui me portent, m’engagent à mériter d’avoir vécu, deux fois, tout cela.

 

21 Janvier 2011

 

 

Muriel Roland Darcourt

Lettre à Elle et Lui - Naissance d'un Homme

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Lettre à Elle et Lui
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