La dernière cavale, c’était la meilleure. La plus adrénalique.
Traverser la France, et transpercer la Belgique. Ils ne nous attendaient pas. Personne.
On est parti en deux heures, quelques affaires, la voiture, volée sans doute. J’ai dit :« Je viens avec vous », envie d’air. Et on a pris la route.
La nuit, lumineuse, sous les phares qui se frayaient un chemin dans les dédales frontaliers, pas de contrôle, sauf pas de chance. La voiture de devant et la voiture de derrière veillaient sur nous. On se suivait dans la fuite, en silence.
Pourquoi là-bas, pourquoi pas. Chacun ses raisons, j’avais les miennes. On y allait, ensemble. Eux ? Ils avaient l’air de savoir ce qu’ils faisaient, ce n’était pas la première fois qu’ils forçaient un barrage, moi j’avais juste ma caméra, pour le souvenir, pas davantage.
J’ignorais ce que les voitures contenaient, à part des gens qui voulaient passer à l’étranger, coûte que coûte. Quand, tout à coup, des feux nous ont éclaboussés. Les policiers, ils alignaient les véhicules sur le bord de la route.
J’ai vu ses mains crispées sur le volant, son visage fermé. Il a ouvert la boîte à gants, il y avait un flingue. Je savais qu’on risquerait d’en arriver là, mais j’avais occulté cette probabilité.
À cet instant, j’ai compris toute la gravité du système dans lequel je m’étais embarquée.
Cependant, difficile à ce moment-là de renoncer.
Alors j’ai braqué la caméra sur lui pour montrer que l’on faisait un film.
Le policier s’est approché. Il a demandé nos papiers. J’ai brandis les miens, de loin, il a froncé les sourcils. Je lui ai dit qu’il était à l’image. Il a repéré la caméra et un sourire a coloré son visage en me demandant où était l’équipe technique, je lui ai désigné les 2 autres voitures. Il nous a fait signe de circuler en répondant d’un ton unique : « Allez-y, ici nous respectons la création. Bienvenue en Belgique. »
Muriel Roland Darcourt - Texte - Bienvenue en Belgique - Lettres - Monologues - Fragments